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Gilles Guérin
En bref... Photographe indépendant (presse puis publicité industrie, actuellement architecture et intérieurs), né en 1951 à Paris. Au départ, fortes prédispositions
scientifiques mais inadaptation scolaire. À l'adolescence (68), révolte et rejet en bloc du « vieux monde » . Pendant trente-cinq ans, des questionnements et beaucoup de
temps passé à une réflexion systématique méthodique et personnelle au détriment de ma profession, et qui m'amène aujourd'hui à une position quasi inverse; rejet du « nouveau monde » de plus en plus dominé
par l'irrationnel...
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Je viens d'une famille « moyenne à aisée » et mon adolescence fut « classique » et sans problèmes particuliers.
Mes goûts,
ma scolarité et ma manière d'être devaient naturellement me conduire à une carrière scientifique. Mais 1968 fut, à l'âge
critique et de grande fragilité qu'est l'adolescence, un évènement riche et perturbateur: le conflit de génération et la nécessité de s'affranchir prit
chez moi un aspect radical. Rejet en bloc de la famille, de l'ordre établi, de la morale, du travail, de la
« société - métro - boulot - dodo » avec l'espoir d'un autre monde et l'illusion que celui-ci serait la fin de tous les malaises et
mal-être. L'espoir de ce monde nouveau était indissociable de la recherche de la compréhension de ce malaise et déboucha naturellement
sur la tentative d'analyse de ce qui « ne va pas » dans les relations entre les êtres, dans la vie même. Un engouement pour W.Reich qui me
semblait apporter des réponses à mes interrogations. Rapidement l'intuition que tout le mal, le mal-être, le malaise du monde est en
relation avec cette notion d' « irrationalité » humaine. L'idée essentielle que je retenais - idée séduisante - de Wilhelm Reich, est que
cette irrationalité est le résultat d'une sexualité malade elle-même fruit d'une société moraliste et répressive envers la
sexualité « naturelle » . Séduction, embrouillements et confusions qui me font changer d'orientation: en 1972 je laissais mes études de
« mesures physiques » pour me consacrer à la photographie, une véritable passion née en 68. Je justifiais cette démarche par le fait que,
me sentant en totale opposition avec la manière de voir et de penser de la majorité des personnes, je pensais que les photos étant des
représentations de « portions de réalité », en les juxtaposant de certaine façon à des extraits de texte que j'appelais « photos
textuelles » (en ce sens ou toute opinion écrite constituait de la même manière une représentation d'une part de réalité) il était possible de déranger certaines
manières de voir les choses. En 1976 je fabriquais une série de 5 numéros d'un périodique photo appelé « Quand je serais grand je ferais comme papa » dont je conteste aujourd'hui le contenu qui était
essentiellement en relation avec mon nihilisme affectif du moment.
Ma préoccupation étant trop éloignée de celle de faire de l'argent j'ai vécu difficilement jusqu'en 78/80. Puis j'ai commencé à mieux
gagner ma vie en réalisant des reportages photos que je vendais à des magazines. J'ai ensuite réalisé des reportages de décoration
intérieure; c'était ce qui semblait se vendre le mieux. A la même époque je me découvris une nouvelle passion: l'escalade. Durant dix
années j'ai pratiqué la varappe en falaises ou en montagne avec des personnes du Club Alpin Français. J'en profitais pour
réaliser des « piges » au journal « Alpirando » .
En avril 1987, j'ai eu fils avec Annic, une jeune femme rencontrée au Club Alpin; Jean
Durant les quelques années qui ont suivi, cette nouvelle vie familiale fut le centre de mes préoccupations. La crainte du manque de
ressources me fît monter un studio de photographie et, afin de diversifier mon activité, je me mis à travailler sur commande pour
des entreprises et par l'intermédiaire d'agences de publicité.
Peu après notre couple s'est
séparé. Jean est resté avec sa mère, et depuis, il passait les week-ends et une partie des vacances avec moi.
Parallèlement à la décoration intérieure je réalisais des photos d'architecture grâce à la rencontre de l'équipe de la revue « l'Empreinte » .
Je travaille aujourd'hui essentiellement pour des architectes, des promoteurs, des architectes d'intérieurs. Ma situation économique, viable jusqu'en 1995, s'est dégradée jusqu'en 1999 car les commandes se firent rares et cette période fut aussi difficile que celle précédant les années 78/80.
Durant cette période également, me sentant très marginal dans ma manière de penser, j'ai commencé à mettre des idées sur papier; sorte de message
dans une bouteille.
Je me suis alors rendu compte progressivement, de la confusion de mes idées et de ma tendance à élaborer des écrits touffus composés de
termes spéciaux rendant ces textes incompréhensibles. Il me semble maintenant que sans un effort constant de clarté et de concision on
tend naturellement à un langage abscons (par ailleurs comme ceux de bien des philosophes) dont l'apparence complexe et les termes « savants » ne font que masquer précisément un manque de
clarté des idées elles-mêmes.
En même temps, je commençais à utiliser l'informatique dans un but strictement professionnel. Et je me suis aussi aperçu que la notion
de « base de données » , en informatique, pouvait constituer une aide
précieuse à la pensée elle-même. Ce système utilisé judicieusement permet en effet de stocker un grand nombre
d'informations/connaissances/idées et de les retrouver facilement par une simple recherche sur les mots. Les idées/textes intuitifs et
spontanés peuvent ainsi être retrouvés facilement et être, par exemple, juxtaposés et comparés à d'autres notes rapides sur des thèmes
identiques ou voisins. Cette démarche contribue et participe à l'élaboration des idées et/ou à leur clarification en allégeant sa mémoire
pour mieux se concentrer sur la réflexion. La possibilité de gestion des idées, de modifications et de réorganisations incessantes des
textes et des mots m'a permis petit à petit, d'aboutir à des écrits que je pense clairs et cohérents.
De 1996 à 1999, et grâce l'outil informatique, j'ai clarifié mes idées en même temps que leur transcription que je continuais de modifier
sans cesse. Mon but n'etant pas
d'élaborer des écrits volumineux, mais des concepts constamment réexaminés et remis en cause, réorganisés, avec comme seul souci la
véracité la clarté et la concision.
A défaut d'une aisance matérielle, il me semble aujourd'hui posséder une assez bonne compréhension de certaines choses. Mon intention
est de continuer cet effort de clarté pour mieux comprendre et me faire comprendre en améliorant sans cesse la lisibilité de mes textes.
Lors de mon démarrage avec l'outil informatique je pensais que le concept de base de données devait s'étendre à la télématique du type Minitel, mais
en beaucoup plus complet. Je rêvais d'une base de données mondiale permettant de stocker le savoir humain; vieux rêve des premiers
encyclopédistes. Aujourd'hui l'Internet ne correspond pas exactement à ce rêve. Et ce malgré que toutes les
infrastructures
techniques nécessaires soient en place. Souhaitons et surtout oeuvrons pour qu'il devienne véritablement le début du cerveau de la
planète.
Enfin, l'origine de ma démarche qui remonte à l'adolescence était d'ordre affectif et rebel; son aboutissement est aujourd'hui une
pensée ordonnée et concise. Également et surtout la révolte contre le vieux monde et les valeurs fut le moteur de ce qui
m'amène aujourd'hui à une position quasi inverse; le nouveau monde, pour lequel les événements de 1968 furent probablement décisifs,
est un monde en dégénérescence qui nous mène droit au chaos.
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