la raison - proverbes
Philosophie de la raison

02/03/08 - modifié 24/08/15

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point
(Blaise Pascal)

Cet ancien adage est des plus connus et des plus cités. Pourtant, il ne me parait pas être des plus justes…

Signification
Il faut remarquer tout d’abord que l'on joue ici avec le mot « raison » employé deux fois mais à deux sens différents. Autrement dit, on emploi deux fois le même mot pour désigner deux choses différentes :
1) Dans la première proposition, le mot « raison » est employé au sens de « cause » ou « motif » (la « raison de quelque chose »). Dire que : « Le cœur à ses raisons […] » signifie que les comportements sentimentaux et amoureux (1) ont des « raisons d'être », des « motifs », propres au fonctionnement intime des êtres.
2) Dans la deuxième proposition, le mot « raison » est employé au sens principal, c'est à dire comme étant l’ensemble de facultés intellectuelles permettant de comprendre et de juger. Dire « […] que la raison ne connaît pas [les raisons du coeur] » signifie par conséquent que l’ « esprit rationnel » ne peut les comprendre (ou ne les considère pas ?)…

Critique
Le sens principal au quel fait référence la deuxième proposition, correspond à une idée reçue répandue où la Raison est réduite à un esprit pragmatique. La Raison confondue avec le comportement « raisonnable » (au sens courant (2)) s’en tiendrait aux considérations pratiques et viserait à résoudre uniquement des problèmes au plan pratique. Les motivations d’ordre psychologiques et sentimentales seraient donc hors du champ de considération ; et l’esprit rationnel (c’est à dire la Raison) serait un esprit « étroit », ou « borné » (3)…

Mais la Raison étant (dans le principe) la faculté de comprendre (et donc de juger et de distinguer le vrai du faux), ET SI ELLE EST SUFFISAMMENT DEVELOPPEE, l’esprit de raison ne peut qu’être le plus à même de comprendre le fonctionnement des êtres et donc leurs motivations, les « raisons » de leurs actes et comportements... Mais il s’agit là bien entendu d’une démarche analytique de recherche de compréhension et d’objectivité (au sens d‘usage (4)). Et cette démarche est étrangère à l’état dans lequel on se trouve au moment où l'on « fonctionne » sur le mode émotionnel, pris dans un système de relations et d’échanges où dominent les sentiments et les émotions...

1) On peut supposer que c'est de cela qu'il s'agit puisque c'est le sens (d'usage) le plus fréquent avec le sens principal qui digne notre organe vital.

2) Mesuré, responsable, et qui agit suivant le bon sens. Et ce sens est sensiblement différent du sens philosophique, c'est à dire et comme par exemple dans la citation « capable d'activité logique, de raisonnement » (TLFI) comme dans «  L’homme est un animal raisonnable »

3) Mais son inverse, l’ « esprit ouvert » (l'« ouverture d’esprit »), n'est pas un esprit doté d’une capacité de compréhension plus large, mais d’une tendance à la subjectivité (4) et à la réceptivité aux idées du moment…

4) Le sens d’usage du mot « objectivité » est approximativement la conformité de l’idée ou de l’affirmation à son objet. La « subjectivité » est son inverse, avec l’idée que ce serait le fait de l’influence de ses sentiments et de ses émotions (objectivité et subjectivité).