Philosophie de la raison
02/03/24 (modifié/corrigé)

Les mots trompeurs

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Les langues, qui nous servent à communiquer, sont en même temps l'expression de la manière dont nous comprenons les choses. Les mots nouveaux sont bien souvent le reflet des démarches mentales de plus en plus illogiques et/ou superficielles (1). Exemples…

Les langues et les langages sont des outils que nous avons créé entre autres mais notamment pour communiquer des informations, exprimer nos pensées, ce que nous percevons, et la manière dont nous les comprenons. Il sont donc caractéristiques de la manière dont nous percevons et dont nous comprenons…
Ainsi tous ces mots nouveaux ou ces expressions constamment créé(e)s sont le reflet, ou l’expression, des démarches de plus en plus illogiques d’aujourd’hui. Ces mots nouveaux ne sont bien souvent que l’ « officialisation » de termes d’usage montrant que nous attachons plus d’importance à l’apparence des choses, ou aux impressions qu’elles nous donnent, qu’à en connaître leur réalité, c’est-à-dire leur fonctionnement (1). Il en est de même pour les expressions langagières .
En retour, la terminologie commerciale dont la démarche se calque sur celle du mental du consommateur, produit des mots traduisant l’utilité apparente des choses (qui nous intéresse), au lieu d’exprimer leur substance et principe de fonctionnement. Et ce faisant elle renforce notre peception superficielle des choses...

Ainsi et par exemple un vêtement est qualifié intuitivement de « chaud » quand il nous procure une sensation de chaleur. Laquelle est due au fait que ce vêtement tend à s’opposer au passage de la chaleur dont une déperdition trop importante nous procurerait la sensation de « froid » (c’est-à-dire de manque de chaleur). Par conséquent le qualificatif rendant compte de la réalité serait « isolant », et non « chaud »
Cela participe à une conscience erronée de la réalité, ici selon laquelle le froid serait quelque chose en soi, alors que ce n’est qu’un état de moindre chaleur contenue dans la matière. L’absence totale de chaleur, nommé « zéro degré absolu », correspondant à -273,15° Celsius (2)…

Autres mots ou expressions

Moteur « à friction »
Cette terminologie est employée pour désigner des systèmes permettant de stocker une certaine quantité d’énergie cinétique (ou « inertie »), laquelle en se restituant permet de propulser un petit jouet d’enfant représentant le plus souvent un véhicule.
Cette provision d’énergie s’effectue en faisant rouler le petit véhicule comme si on le « frottait » sur la surface où l’on veut qu’ils se déplace ensuite et par lui-même. Cela a pour effet de faire tourner les roues, dont le mouvement de rotation multiplié mécaniquement est transmis à un volant lourd, de ce fait en rotation beaucoup plus rapide. Et lorsque le jouet est ensuite posé à l’arrêt sur le sol, il se déplace seul du fait de la restitution de l’énergie cinétique emmagasinée par le volant lourd en mouvement induisant la rotation des roues…
Il s’agit donc en réalité d’un moteur à inertie

« Mot valise »
Une valise et un contenant dans lequel il on peut mettre à tout moment des contenus différents selon ce dont on a besoin ou ce que l’on désire. En toute bonne logique la locution « mot valise » devrait donc désigner un terme à sens variable dans lequel on met le sens correspondant à ce que l’on veut exprimer. Comme par exemple les mots « truc » ou « machin ». On pourrait également nommer cela un « mot joker »
Mais en réalité cela se définit comme une locution composée d’au moins deux mots, et dont le sens résulterait de, ou correspondrait à ceux de chacun des mots associés. Un terme plus juste serait donc « mot-composé ».

Un pivotement selon un axe horizontal
Cette expression, ou syntagme, figure dans la version française d'un logiciel de retouche d’images (d'origine anglophone). Elle désigne le pivotement d’une image dont la partie droite passe à gauche, et vice-versa. Mais un axe est avant tout une droite, un segment, ou encore un élément matériel cylindrique autour duquel s’effectue un mouvement de rotation. Il s’agit par exemple de l’essieu d’une roue. Si l’on fait pivoter une image selon un axe horizontal, la partie inférieure de l’image devient la partie supérieure et vice-versa. Il s’agit donc ici une erreur de sens… Le mot « axe » est en fait confondu avec le mot « sens » ou « direction ». Et un pivotement où les parties gauche et droite sont inversées devrait être désigné par « pivotement selon un axe vertical », ou encore « pivotement de sens, ou de direction, horizontale »

Les lingettes « anti décoloration »
Il s’agit de petits éléments textiles lesquels mis dans une lessive semblent absorber les colorants dégorgés par certains vêtements, les empêchant ainsi d’aller colorer (ou « déteindre sur ») les autres vêtements de couleurs différentes, altérant ainsi leur couleur d’origine. Ils ont donc pour effet d’empêcher l’altération des couleurs par le fait d’une coloration non désirée.
Logiquement un tel produit pourrait s’appeler « anti altération des couleurs » ou « anti coloration ».
Le terme « anti décoloration » pourrait venir apparemment d’une confusion sur celui de « décoloration », employé ici pour désigner une modification de la couleur d’origine. La décoloration étant le fait d’enlever la couleur reviendrait à faire tendre les vêtements vers le gris neutre le blanc ou le noir c’est-à-dire l’absence de couleur, et non de modifier la couleur…
Il est encore à noter, qu’ici comme souvent, le choix de ces terminologies est un fait commercial. Le souci unique de vendre pousse à s’adapter à la clientèle potentielle, et donc à son désintérêt quand à la compréhension des réalités…

Le moteur thermique
Ce terme suggère qu’il s’agirait de moteur utilisant la chaleur comme énergie et la transformer en énergie mécanique. En fait, il s’agit d’un moteur qui transforme l’énergie chimique en énergie mécanique. Le principe d’un tel moteur étant l’explosion d’un mélange essence-air, Le terme de « moteur à combustion » serait déjà mieux approprié. Et l’ancien terme de « moteur à explosion » était également approprié et représentatif de la réalité. Celui de « moteur à essence » l'est aussi.

la retouche photo « transformerait la réalité »
La retouche photo, (laquelle par ailleurs existe depuis le début de la photographie) modifie en l'améliorant une image photographique. Elle peut aussi la transformer. Mais la réalité photographiée est-elle transformée ? Cette confusion de langage provient et renforce en retour la confusion entre la photographie et la réalité photographiée, entre la représentation et la réalité représentée, entre une œuvre d’art graphique et le modèle. Et si la retouche photo est le plus souvent utilisée pour rendre l’aspect d’une réalité représentée tel que l’on aimerait qu’elle soit, elle pourrait tout aussi bien être utilisée à l'inverse, pour rendre la photo mieux représentative, ou plus conforme à cette réalité…

« Mécaniquement »
La mécanique étant la science qui a pour objet l’étude des forces et du mouvement, c’est la branche essentielle de la physique. Aujourd’hui le terme « mécaniquement » semble vouloir signifier « de manière rigide », voire simpliste. Cela révèle une vision appauvrie de la science réduite à de simples jeux d’engrenages communiquant un mouvement de rotation…

Fichiers/photos « Haute (ou basse) définition »
La définition (en pixels) d’un fichier image est le nombre de pixels par pouce (approximativement, 1 pouce = 2,5 cm). Pour un fichier composé d’un nombre déterminé de pixels, elle est donc variable et dépend de sa taille d'utilisation, c'est à dire d’affichage ou d’impression. Mais dans l’usage, une image « haute définition » désigne un fichier image composé d’un très grand nombre de pixels, c’est-à-dire une image de grande taille (en pixels), et inversement une image « basse définition » désigne un fichier image composé d’un très petit nombre de pixels, et donc une image de petite taille (toujours en pixels)…

Le « tri sélectif » Dans l'usage il s'agit d'un tri approximatif et préalable au véritable du tri, lui-même (on peut le supposer) étant effectué aujourd’hui par des machines... Il s’agit donc de mettre tous les matériaux recyclables dans un même conteneur, mais en séparant les matériaux différents afin de faciliter leur véritable tri pour être ensuite réutilisés...
Au final, l'erreur est double; puisque c'est un pléonasme qui en plus exprime mal ce que ça signifie (dans l'usage). Le terme, ou locution exact(e) serait « Tri préalable », ou encore « pré-tri »...

… Etc...

GG


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1) Si cet illogisme langagier est un fait prégnant de notre époque, il me semble en même temps inhérent à l'humain. L'Homme comprends le monde tel qu'il le perçoit et non tel qu'il est véritablement. C'est à mon sens la problématique fondamentale de la cognition qui semble avoir vu le jour il y a 2500 ans au travers de l'Allégorie de la caverne de PlatonRetour

2) La chaleur serait une énergie (à mon sens une forme d'énergie mécanique), et il semble admit que l'état d'absence totale de chaleur dans la matière (donc -273,15°C) ne puisse qu'être approché indéfiniment mais non atteint Retour