Philosophie de la raison
08 août 2010

L’image, la parabole, intuitif et parfois faux...

L’image, la parabole est à ne pas confondre avec ce que l’on veut expliquer ; ce n’est comme l’allégorie, qu’une illustration pour nous aider à imaginer, visualiser mentalement, faire correspondre une vue plus concrète à quelque chose exprimé de manière abstraite. Et encore faut-il que cette image soit « juste », choisie de manière adéquate.

En lisant un article il me vint cette idée au sujet des images que nous utilisons pour expliquer certaines choses : la comparaison devrait aider à comprendre, et non remplacer la compréhension, se substituer à l’analyse, pour n’offrir à la place qu’une vue satisfaisante. Car sans véritable analyse, une comparaison même « satisfaisante pour l’esprit», intuitive, peut être mal choisie et induire une vue totalement fausse...

Il s’agissait d’un article paru dans le magazine Direct Matin (1) informant d’un système de limitation variable de vitesse sensé permettre d’éviter les bouchons, ou la circulation « en accordéon », sur les axes routiers saturés aux heures de pointes. En encart on pouvait lire : « c’est un peu comme vider une bouteille d’eau. L’eau s’écoule mieux en la penchant légèrement qu’en la mettant à la verticale »...

Cette image apparemment satisfaisante est pourtant inappropriée. Car si les phénomènes de circulation automobile semblent bien appartenir à ceux de la mécanique des fluides, cela ne me parait pas rendre compte de ce qui se passe (« réellement » ). La similitude n’est qu’apparente...
En effet, si l’eau s’écoule mal d’une bouteille renversée, c’est que l’air qui pénètre au fur et à mesure pour compenser la diminution du volume d’eau, emprunte le même passage étroit que le flux d’eau allant en sens inverse. En inclinant la bouteille, cela permet de SEPARER LES FLUX : le flux d’eau dans la partie inférieure, et le flux d’air dans la partie supérieure du goulot incliné (2).
Ce serait donc plus ou moins comparable sur plan routier, au fait qu’une circulation à double sens est préférable à une circulation alternée!

Concernant le problème des tronçons routiers saturés, j’avais déjà remarqué que si chacun diminuait sa vitesse, on pouvait éviter de s’arrêter pour repartir sans arrêt...
Par curiosité j’avais essayé de comprendre. Difficile ! Mais j’avais fini par arriver à ceci...

Sur tout itinéraire donné on peut trouver l’endroit, la section, qui de par son étroitesse et la limitation de vitesse, possède le plus faible débit possible maximum d’autos à la seconde.
Lorsque le nombre des usagers est peu important, que le débit réel des véhicules est largement inférieur à cette limite, chacun peut rouler aisément sur toute cette partie, et jusqu’aux vitesses autorisées. Mais lorsque le débit réel atteint la limite de cette section, l’ensemble est alors rempli. Et Le débit maximum possible sur l’ensemble étant celui de la section étroite, sur les sections plus larges situées en amont et du fait que plusieurs voitures peuvent rouler de front, la vitesse moyenne est inférieure. Le rapprochement (de ce fait) des véhicules diminue également et fortement cette vitesse. Et pour rouler de manière égale et sans s’arrêter, il faut alors ne pas la dépasser ; sous peine de provoquer des ralentissements, voire des blocages.
Par exemple >>
Et si dans une de ces sections située en amont, étant pressé et poussé par l’envie d’ « avancer », chacun diminue la distance au véhicule précédent (« colle » à la voiture « de devant »), nous allons momentanément aller plus vite. Mais comme c’est la vitesse moyenne qui compte, nous seront arrêté un peu plus loin. Puis nous repartirons (3). C’est la circulation « en accordéon » (4).

Et je serais ici bien peine de trouver une image, une comparaison intuitive pouvant illustrer ce phénomène ; mais plutôt un dispositif expérimental et pédagogique, dans le genre de tout ce que l’on a pu voir dans cette exposition permanente à la Cité des Sciences : l’ « inventorium », devenu aujourd’hui la Cité des Enfants (5).


Au final, l’erreur est de croire qu’une image est quelque chose de comparable à ce que l’on veut expliquer, alors que ce n’est qu’une illustration pour nous aider à imaginer, « visualiser » mentalement, faire correspondre une vue plus concrète à quelque chose exprimé par ailleurs de manière abstraite. Une image, une comparaison, est quelque chose d’équivalent à une allégorie. Et encore faut-il que celle-ci « juste », choisie de manière adéquate.


GG

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1) Article d’Isabelle Rey-Lefebvre intitulé « Ralentir pour arriver plus vite ! » paru dans le n° 700 du 16 juin 2010 - Retour

2) Il reste tout de même vrai que ce faisant, on ralenti aussi la vitesse de d'écoulement de l'eau. Mais à mon sens, ce n'ai pas cela qui permet d'éviter ce phénomène gênant d'alternance de passage inversé d'eau et d'air: c'est le fait que la surface du liquide passe dans le goulot, et que celui-ci n'étant plus immergé dans le liquide, il n'est plus séparé du volume d'air. Retour

3) Par ailleurs en diminuant la distance, et toujours pour le même débit imposé par la section étroite située « après », cela provoquera l’inverse de l’effet voulu : la diminution de la vitesse possible ... Retour

4) Sur un ensemble important, et dans un tissu urbain ou suburbain, tout cela ne tient pas compte des multiples éléments comme les bifurcations et confluences, intersections feux (...) qui sont autant d’éléments qui compliquent le problème. Comme toute démarche de raisonnement, elle s'applique ici à un modèle imaginaire simplifié, idéalisé, afin de chercher à saisir un principe de fonctionnement... Retour

5) Ici, j’imagine un dispositif de circuit d’eau composé de conduits transparents et de diamètres différents. Le déplacement du liquide serait rendu visible par des particules en suspension, et le courant serait généré par une petite pompe déterminant le débit, celui-ci étant donc le même dans toutes les parties du circuit ; par exemple, 10cm3 par seconde et partout. Et l’on pourrait alors voir que les particules se déplacent d’autant plus vite que le diamètre du conduit est petit... Et inversement.
Un tel dispositif représenterait bien ces phénomènes de circulation automobile. Mais il y aurait tout de même une différence essentielle; contrairement à l'eau, une masse d'automobiles est compressible, car la distance séparant chaque véhicule varie suivant la vitesse du trafic. Il y aurait donc lieu d'en tenir compte lors de calculs afférents à ces phénomènes (comme dans mon exemple...). Egalement, c'est cette « élasticité » alliée aux comportements des conducteurs qui expliquent par exemple la circulation « en accordéon ». Et cela ne serait pas visible dans le dispositif. Retour