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Philosophie de la raison
17/09/07

Bon sens contre mystification

Il a circule un grand nombre d’idées aberrantes présentées comme excessivement pertinentes, mais ne résultant à l’inverse que d’un manque de réflexion et de bon sens. Ainsi je lisais ce problème présenté comme une énigme (ou un paradoxe)inspiré de cette "problématique antique", concernant une flèche lancée en direction d’une cible; selon un certain raisonnement celle-ci serait censée ne jamais atteindre la cible (1). Le raisonnement consiste à dire que  chaque fois que la flèche a parcouru la moitié de son chemin, il lui reste l’autre moitié à parcourir; autrement dit, à chaque fois (suivante) qu’elle aura parcouru la moitié du chemin lui restant à parcourir, il lui en restera toujours la moitié. Et comme il s’agira toujours de la moitié d’une distance non nulle, la flèche ne peut donc jamais atteindre la cible (2).
Même si aujourd'hui cette "énigme" est résolue, elle continue de faire parler. Également le fait même qu'elle ai pu constituer une énigme est un défi au simple bon sens... `

En effet; les deux choses les plus sensées devant obligatoirement venir à l’esprit de toute personne logique sont celles-ci :
-- Comme dans la réalité nous observons que la flèche atteint toujours la cible, nous ne pouvons que suspecter tout d’abord la véracité du raisonnement   (et donc chercher l’erreur) (3).
-- Selon ce raisonnement, il restera d’abord la moitié du chemin à parcourir, ensuite le quart (la moitié de la moitié), ensuite le huitième (la moitié de la moitié de la moitié) puis le seizième, le trente-deuxième le soixante-quatrième etc. Au bout d’une infinité de fois, la distance restant à parcourir aura été réduite de moitié une infinité de fois ; ce qui revient à dire que ces « dernières distances restant à parcourir » sont égales à la distance totale divisée par l’infini, et donc nulles (4).

Au final, il ne s’agit que d’une erreur « imperceptible », d’une donnée erronée pouvant parfois être simplement sous-entendue : « Il s’agira toujours de la moitié d’une distance non nulle ». Mais l’on ne voit pas que les distances s’amenuisent infiniment jusqu’à devenir réellement nulles (l’erreur étant à mon sens permise par notre difficulté à concevoir la notion d’ « infini »).

D’une manière beaucoup plus générale, les problématiques exposées ou des argumentations aboutissant à des théories aberrantes,  voir mystifiantes ou ésotériques, reposent toujours sur des confusions, des erreurs difficilement perceptibles, ou des postulats faux. Et c’est en considérant attentivement la manière dont sont exposées les données que l’on arrive à déceler ces petits éléments en trompe-l’œil.
Ainsi et par exemple, en jouant sur une représentation géométrique à partir de données imperceptiblement fausses, on peut par exemple montrer que la Terre n’est ni ronde ni plate, mais concave (5)…

L’aspect scientifique et l’utilisation du langage mathématique font partie du déguisement des mystificateurs et des « ésotériques » ; car ceux-ci leur donne une apparence crédible…


1) Cette « problématique » peut être déclinée dans autant de situations réelles que l’on veut

2) « Chaque fois que la flèche a parcouru la moitié de son chemin, il lui en reste une autre moitié à parcourir » ; après avoir parcouru la moitié de la deuxième moitié, il lui reste donc la moitié de cette deuxième moitié -- donc le quart de la totalité --, puis , après avoir parcouru la moitié du dernier quart il restera encore la moitié de celui-ci -- soit encore le huitième de l’ensemble -- etc. etc. Par conséquent le chemin restant à parcourir étant toujours la moitié de « quelque chose » d’a priori non nul, il restera (selon ce raisonnement) TOUJOURS un chemin à parcourir.

3) Même si les apparences peuvent nous induire souvent en erreur, il est toute fois difficile de concevoir que le fait que la flèche finisse par toucher la cible soit illusoire.Trop de faits tangibles corroborent le fait que la flèche « arrive »… On peut, pour le principe philosophique,  garder tout de même un doute. Mais dans tous les cas le bon sens veut que l’on reconsidère D’ABORD le raisonnement.



5) Il me semble (sans certitude donc) avoir lu ceci dans une nouvelle en littérature fantastique (il ne s'agit donc pas d'"ésotérisme" mais d'un jeu). Une personne effectue une visée d’un point situé à l’horizon, tout d’abord à sa hauteur, puis dans une position surélevée. Il mesure l’angle de visée et la distance qui le sépare à chaque fois du point visé. L’angle reste le même dans les deux cas mais la distance mesurée lorsqu’il est surélevé, est supérieure à celle mesurée à sa hauteur. Un schéma réalisé à partir de ces données fera apparaître une surface incurvée. L’erreur permettant cette construction imaginaire est que dans un dispositif expérimental analogue, les angles de visées seraient différents. Mais, dans la mesure où la  différence de hauteur  entre les deux endroits où seraient effectuées les visées est faible, la différence d’angle serait strictement inobservable (visuellement). En imaginant la « scène », nous ne remarquons donc pas l’erreur que constitue l’affirmation que les angles de visée sont les mêmes dans les deux cas.