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Philosophie de la raison
25/03/17 - modifié 05/05/17

L'Art d'embrouiller - Ou - Rendre compliqué ce qui est simple

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C’était dans un documentaire historique diffusé sur la chaîne France5 le 22 mars 2017, et sur l’importance de l’apport culturel de la Grèce antique (>>).
A la 14 ou 15e minute du reportage, il était dit qu’Archimède était « reconnu pour son intelligence et son intuition ». Il était ensuite relaté qu’on lui avait d’ailleurs confié « une mission de la plus haute importance » ; il devait déterminer si la couronne du roi était faite d’or pur ou si le métal avait été mélangé avec autre chose. Le défi consistait naturellement « à trouver la réponse sans endommager l’objet »...
L’idée lui serait alors venu en prenant son bain et en constatant que l’eau débordait lorsqu’il y rentrait. Puis, «Il réalise que le trop-plein équivaut au volume de son corps immergé. » . Il comprit alors que cela allait lui permettre de résoudre le problème posé...

Mais l’explication qui avait suivi m’était apparue sur le moment totalement incompréhensible. Il était dit très exactement ceci...
Archimède aurait commencé par déduire de son observation « qu’on peut calculer le volume et la densité d’un objet en mesurant la quantité d’eau déplacée ». Puis, « Il observe qu’un objet d’une densité plus faible que l’eau déplace davantage de liquide qu’un objet de même poids mais avec une densité supérieure. [...] Archimède prend donc la couronne et un morceau d’or du même poids. Si elle est uniquement composée d’or les deux objets devraient déplacer le même volume d’eau. Comme la couronne en fait déborder davantage, elle doit contenir un alliage »...

Après réflexion, la chose n'a pu qu'être ainsi, et ne peut qu'être exprimée ainsi…

1) Archimède aurait déduit de cette observation que comme la quantité d’eau déplacée correspond au volume immergé, c’était là le moyen de pouvoir calculer le volume des objets dont les formes irrégulières empéchaient toute mesure.
2) On pouvait supposer par ailleurs que l’on savait à cette époque que la masse volumique (c'est à dire la « densité ») était différente pour chaque matériau.
3) Par conséquent deux objets de même masse (ou un même poids) mais de matériaux différents ont obligatoirement un volume différent. Ces deux objets immergés déplacent donc un volume d'eau différent...

4) D’où l’idée d’immerger la couronne et un morceau d’or pur de même poid chacun de leur côté; et si la couronne est composée d'or pur elle doit déplacer le même volume de liquide que le morceau d'or de même masse (ou poids)...

Au final...
Le commentaire « Il observe qu’un objet d’une densité plus faible que l’eau déplace davantage de liquide qu’un objet de même poids mais avec une densité supérieure » est totalement dénué de sens. Déjà et entre autres la comparaison de la densité de l’objet avec celle de l’eau est hors de propos... La seule chose approchante mais réelle et qui peut être dite, est que deux objets de densité différente (et de même poids) déplacent un volume d’eau différent !!. Mais cela ne peut être déduit directement d’une telle observation (pour rappel il s’agit de l’observation de l’augmentation du niveau lorsque l’on rentre dans le bain). La seule chose pouvant être déduite immédiatement est de comprendre comment on peut calculer le volume d’un objet en mesurant la quantité d’eau déplacée. Et c’est seulement ensuite, et en connaissance du fait que la masse volumique, ou la densité, de chaque matériau est différente et spécifique à chacun d’eux, la comparaison des volumes de deux objets de même masse (ou de même poids) pouvait permettre de savoir si ils étaient constitués ou non des mêmes matériaux.
Cette erreur et cette confusion du commentaire ne peuvent être dues qu’à une incompréhension de la part des auteurs même.

Enfin cela confirme incidemment une chose et ses corollaires multiples…
> Pour exprimer correctement quelque chose, de manière claire et compréhensible, il faut en avoir soi-même une parfaite compréhension ; d’où la justesse du proverbe « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement »
Quelques corollaires...
> La confusion de nombre de discours que l'on confond souvent avec de la complexité, et à l’inverse de ce que l’on croit souvent, est révélatrice du manque de compréhension claire de celui-là même qui les énonce.
> La capacité d’expression n’est pas en relation avec seulement la connaissance de la langue, mais avec notre propre capacité de comprendre...
> Concernant l’apprentissage d’une langue, la pratique (littéraire ou non) seule est insuffisante ; elle devrait être indissociable entre autres mais principalement de l’exercice de l’observation et de la description la plus précise et la plus complète possible
> La pratique de l’art d’embrouiller par des discours confus et à des fins fallacieuses, est au détriment de la compréhention du monde.
>...

Mais nous sommes dominés aujourd’hui par nombre d'esprits plus experts dans l’art d’embrouiller parfois même les choses les plus simples ; et ce à l’inverse des esprits de génie dont une spécificité reconnue est d’être capable de rendre simple ce qui est compliqué...