Philosophie de la raison

Empirisme et « Empirisme scientifique »

Textes connexes >>

Au sujet de l'Empirisme, de l' « Empirisme scientifique »
et de l' « esprit scientifique »


Qu'est-ce que l'«Empirisme»

L'empirisme est une vieille idée. Selon le dictionnaire en ligne TLFI (http://atilf.atilf.fr/tlf.htm/) il s'agissait anciennement d'une Pratique de la médecine (dont l'origine remonte à l'Antiquité) qui se fonde uniquement sur l'expérience, l'observation, le hasard, rejetant ainsi tout recours à la théorie ou au raisonnement. Avec le philosophe David Hume elle a pris la forme d'une théorie. Celui-ci [...] voit dans l'expérience l'unique source de notre savoir: [...] il tient la science pour inductive, et borne ses prétentions à la découverte de lois, c'est-à-dire de relations constantes dont nous échappe la raison. [...] (« HUME (David) 1711-1776 » Ferdinand ALQUIE - Encyclopédie Universalis)

Il semble que cette idée ancienne soit aujourd'hui remise au goût du jour, dans certains milieux intellectuels citadins ainsi que dans certains domaines scientifiques...

L'« Empirisme scientifique »

La science est (ou devrait être) autre chose qu'une longue liste d'observations. Son objet a toujours été la recherche de l'explication des choses, donc de la compréhension de ces choses.
Mais il est aujourd'hui probable que dans bien des domaines la trop grande complexité des choses observées, alliée à une trop forte abstraction, fassent paraitre ces observations - ou les représentations - incompréhensibles. Et comme jadis, lorsque les choses échappaient à « LA » raison, on en déduirait que c'est non pas à cause de l'insuffisance de NOTRE raison, mais dans la nature même de ces choses...
Mais il est aussi possible que ce concept d’« empirisme» , comme celui d’« empirisme scientifique » , soit au départ et à l’inverse, une réaction, une manière d'essayer de se prémunir contre les esprits illogiques irrationnels ou trop étroits, contre toutes les divagations irréalistes ne reposants sur rien et faisant fi de tous les faits (ou «observations avérées ») pouvant les contredire.

Réflexion et critique

Quoi qu’il en soit, on confond l' « inexpliqué » avec l' « inexplicable », on refuse la pertinence du raisonnement et de la pensée rationnelle; réémergence d'un mysticisme ancien resté latent, et entre autres dans un endroit inattendu... La Science!
Pourtant...
Il y a bien longtemps qu’une problématique fondamentale fut posée par la fameuse Allégorie de la Caverne de Platon : la dichotomie perceptions - réalité. Or comment espérer atteindre une conscience « correcte » (ou «non illusoire ») de la réalité à partir de nos perceptions, c'est-à-dire; comment, à partir de celles-ci, arriver à nous construire les représentations mentales les plus conformes possible au réel? Et cette problématique est strictement la même pour élaborer les hypothèses les plus justes, les plus vraies possibles à partir des observations et des mesures (1).
La réponse tient dans un concept contenu dans différents mots : pensée, raisonnement, réflexion.
C’est la nécessité de l’interprétation de nos perceptions, de nos observations, par la pensée, la réflexion, tout comme de l’interprétation des mesures par le calcul.
Et la difficulté de notre espèce pour accéder à une conscience générale correcte de la réalité, tient précisément à cette tendance toujours actuelle de comprendre le monde tel qu'on le perçoit (« je crois à ce que je vois »). Egalement, dans les discours, la confusion systématique entre les « faits » et les observations, ou les constatations (2), est révélatrice de cela. Pourtant, cette aptitude à penser est une des choses essentielles qui nous séparent radicalement des autres espèces animales qui toutes « perçoivent » elles aussi le réel, mais ne se « rendent pas compte » des choses perçues (La Planète Raison / La raison et la logique mises à mal I / Perception et conscience). C'est-à-dire qu'elles n'ont pas de « conscience »; car précisément leur démarche repose sur quelque chose de parallèle à ce que nous appelons « l'empirisme ». Ne faisant que percevoir et mémoriser des expériences (et apparemment cette mémoire se transmettrait), les réactions et agissements sont déterminés en fonction de ces expériences, et non d'une compréhension et d'une analyse des choses et des situations.

Conclusion

L'usage de cette notion d'empirisme ré-induit une démarche qui, voulant accorder une importance de premier plan aux faits, tend à occulter le raisonnement. Et l'on oublie ici le caractère subjectif et partiel de l'observation, et également de la mesure, et donc la nécessité d'interprétation de ces observations et de ces mesures.
Que nous le voulions ou non, cette notion d'empirisme est opposition avec celle de recherche de compréhension et donc avec l'esprit scientifique. Et la conséquence au plan de l ' « idéologie dominante» est une régression vers un comportement d'esprit général plus irrationnel, peu réfléchis, une absence de capacité de jugement. C'est un renversement de tendance dans l'évolution de la pensée entrevue par les savants Albert Einstein et Léopold Infeld (3).

L'histoire du savant Albert Einstein et de ses découvertes nous confirment l'importance de la réflexion et de la raison dans la science.


GG


1) Le savant Albert Einstein avait une préoccupation très voisinne : [...] Le problème fondamental de la pensée philosophique d'Einstein, autour duquel s'organisent ses propres analyses, est celui de la réalité du monde et de son intelligibilité, c'est-à-dire de la capacité de la pensée à le pénétrer, à s'en donner une représentation " vraie " (quoique provisoire), qui ne soit pas illusoire ou précaire. [...]
« Einstein » de Michel Paty aux éditions « Les Belles Lettres » 1997

2) Un fait est un élément de réalité dont l'existence est indépendante de l'existence d'un observateur qui perçoit ce fait. Une observation est ce que perçoit l'observateur. L'observation (la perception) est par définition le reflet toujours incomplet du fait.

3) [...] La découverte et l'emploi du raisonnement scientifique par Galilée est une des conquêtes et les plus importantes dans l'histoire de la pensée humaine et marque le début réel de la physique. Cette découverte nous a appris qu'il ne faut pas toujours se fier aux conclusions intuitives basées sur l'observation immédiate, car elles conduisent parfois à des fils conducteurs trompeurs. [...] La pensée humaine crée une image continuellement changeante du monde. La contribution fournie par Galilée a détruit la vue intuitive et l'a remplacée par une vue nouvelle. C'est là la signification de sa découverte.[...]
«L'évolution des idées en physique» Albert Einstein / Léopold Infeld -- Petite Bibliothèque Payot 1978
Sujet connexe: Le « désapprentissage » de la pensée

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